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Paysage du waterfront

Les cours d’eau engendrent des coupures visuelles et territoriales qui influencent grandement la lecture du paysage (Chaline, 1994). Physiquement, le waterfront se lit comme une simple ligne entre l’eau et la terre (Fischer, 2004). Cependant, cette interface ne doit pas être abordée de la même façon en milieu urbain (Krieger, 2004).

 

À travers le territoire bâti, le cours d’eau dégage un large espace ouvert, mettant au premier rang la façade de la ville (Grether, 1994). Il produit un double effet contradictoire de césure et de liaison. Sa présence interrompt le tissu urbain et sépare très distinctement les zones urbaines de chacune de ses rives. Cependant, le cours d’eau uni le territoire par son tracé continu, sans interruption ou altération de hauteur, et par la percée visuelle qu’il peut créer (Grether, 1994). Le waterfront urbain met en relation les dimensions illimitées à la fois de l’eau et de la ville, ainsi que les différentes formes de circulation de chacun (Grether, 1994).  

 

Les waterfronts urbains, ces espaces qui furent naguère maritimes, sont de véritables boîtes de Pandore renfermant un fort contenu symbolique, une grande valeur historique, une charge émotionnelle et une résonance culturelle appartenant aux populations locales ou proches, ou aux populations plus lointaines dont la représentation est plus ou moins idéalisée (Chaline, 1994). Le réaménagement des waterfronts, lieux ayant connu un déclin, consiste à leur donner un nouveau sens et à faire ressortir leur identité (Fischer, 2004). Le waterfront devient donc une expression de la culture d’une société (Marshall, 2001).

© Azur Croisière

L'importance du waterfront à travers l'histoire

Les cours d’eau sont à l’origine du développement de la majorité des villes. En effet, les cours d’eau, en jouant le rôle de rues et d’autoroutes - avant même l’apparition de ces dernières - ont toujours été une interface naturelle évidente entre la ville et le reste du monde (Carta, 2010). Toutes civilisations ont un dialogue continu et fort avec l’eau, que ce soit en la considérant comme une force naturelle menaçante, une opportunité pour le commerce, une utilité pour l’industrie ou encore en tant qu’environnement de loisir. Cette forte interrelation nécessita l’implantation de structures solides et permanentes sur les waterfronts, afin de contrôler le caractère imprévisible de la force naturelle qu’est l’eau et de permettre un développement à la hauteur des opportunités qu’elle offre à la ville (Wylson, 1986).

 

À l’ère industrielle, la planification portuaire, qui vise l’exploitation maritime, contribue à transformer la ville et son cadre urbain. Le waterfront passe alors d’un endroit accessible au public et bien connecté à la ville au 17e et 18e siècle, à un endroit achalandé, constituant l’espace de production des marchandises et le point de départ des exportations, au 19e siècle (Marshall, 2001). De ce fait, l’accès à la zone devient plus difficile. La sécurité et le contrôle des marchandises nécessitent une enceinte claire, fermée par des barrières ou des murs d’entrepôts (Wylson, 1986). Les locations proches de l’eau deviennent très prisées d’un point de vue immobilier dû aux avantages qu’ils offrent pour les opérations industrielles (Marshall, 2001). L'avènement de la construction des chemins de fer a d’ailleurs influencé grandement le lien entre le waterfront et la ville. Les nouveaux chemins de fer s’implantent entre les infrastructures portuaires et les infrastructures adjacentes, participant également à la coupure entre le milieu urbain et le port (Wylson, 1986). Ainsi, malgré la proximité des sites portuaires avec les centres-villes historiques des villes plus anciennes, ils sont généralement déconnectés physiquement, culturellement et psychologiquement du reste de la ville (Marshall, 2001).

 

Auparavant lieux de l’industrie, les waterfronts étaient considérés comme des endroits sales et désordonnés, et n'avaient que très peu de valeur dans la conscience collective. Aujourd’hui, la perception de ces espaces urbains a considérablement changée. Ils sont maintenant vus comme agréables, présentant des qualités intrinsèques renforçant l’urbanité de la ville (Marshall, 2001). Les installations portuaires ont elles aussi radicalement évoluées en raison de l’apparition des conteneurs dans le transport maritime. Les zones portuaires les plus liées au tissu urbain ont été libérées, les compagnies privilégiant dorénavant des secteurs en périphérie de la ville plus facile d’accès (Bruttomesso, 2001).

© Hurtigruten

Opportunités de développement et principes de design 

Devenus de grandes friches délaissées dans les dernières années, les waterfronts constituent aujourd’hui des opportunités de développement exceptionnelles, permettant de créer des environnements reflétant les idées contemporaines de la ville, de la société et de sa culture. Ils servent de moyen pour recréer l’image de la ville et du même coup attirer à nouveau les gens vers les centres-villes qu’ils côtoient (Marshall, 2001). Ce type de développement permet à la ville de se densifier et de privilégier la compacité en choisissant une approche visant la revitalisation d’espaces existants. La revitalisation de ce secteur peut contribuer à recentraliser la ville, en reliant plusieurs de ses zones dispersées et déconnectées les unes des autres (Carta, 2001).

 

Les waterfronts présentent à la fois des qualités de centralité, par leur situation, et de marginalité, par leurs fréquentations peu élevées (Grether, 1994). Ces zones urbaines sont généralement situées dans le centre-ville ou à proximité, et sont soit déjà connectés ou facilement connectables aux services de transport et aux autres espaces publics de la ville (Carta, 2001). Leur atmosphère unique, la forme spatiale caractéristique des lieux et l’identité qu’ils renferment devraient être mise de l’avant par des caractéristiques urbaines qui rappellent la structure autrement ignorée du paysage riverain (Fischer, 2004).

 

Selon, Richard Marshall (2001), les grands projets de développement des waterfronts réussissent souvent à contourner les règlementations d’urbanisme, ce qui fait en sorte qu’ils peuvent être si déconnectés de leur milieu urbain qu’ils vont jusqu’à nier l’existence du contexte dans lequel ils s’insèrent. Malgré tout, leur présence ajoute une pression supplémentaire non négligeable sur les infrastructures et les réseaux de transport existants.

Baignade urbaine

La baignade urbaine fait partie de l'héritage culturel scandinave et démontre l'importance du lien que les habitants ont avec l'eau dans la ville. 

© visitdenmark

© Alex Barnab Voyer

Plusieurs types de programmes ou d’activités peuvent cependant être implantés sur ces sites, sans nécessairement causer une coupure complète avec le contexte urbain. Ils se subdivisent en trois grandes catégories : les activités nécessairement liées au milieu aquatique, le secteur primaire, comme les marinas ou les aquariums ; les activités liées symboliquement à la proximité de la mer, le secteur secondaire, comme les World Trade Centers ou certains centres de recherche ; et finalement les activités qui n’ont qu’une relation indirecte avec le site, le secteur tertiaire, mais qui misent sur la caractéristique de centralité inhérente au lieu, tels les complexes commerciaux ou les nouvelles attractions touristiques. En s’appuyant sur le principe de mixité du tissu urbain, c’est les activités du secteur tertiaire qui prennent le plus d’importance dans les programmes des nouveaux développements riverains, apportant une plus grande gamme de programmes touchant un public plus large (Chaline, 1994). Une nouvelle zone culturelle ou de loisirs pourrait ainsi aider à la centralité de la ville en attirant des gens qui autrement auraient trouvé une alternative à leur activité dans une autre partie de la ville (Carta, 2001).

 

Les projets de développement des waterfronts doivent sans exception répondre aux divers enjeux coexistant sur ce type de site, soit les éléments naturels, les installations artificielles, les activités économiques et les usages publics (Fischer, 2004). Ceci doit se faire par l’adoption d’une démarche pluraliste qui prend en compte les divers aspects culturels et sensibles de l’endroit, tout en en révélant son identité essentielle (Grether, 1994). L’articulation de ces éléments doit conjointement se faire dans le respect de la forme et de la structure de la ville existante (Fischer, 2004). Les projets devraient simplement révéler les forces dynamiques des grands traits du paysage fluvial existant (Grether, 1994). Ils doivent aussi prendre compte de la perméabilité, facteur important dans l’insertion d’un projet dans son contexte. L’aménagement des rives doit faciliter les déplacements longitudinaux le long de l’eau, tout en permettant les relations transversales avec celle-ci, permettant un accès à l’eau à partir de la ville et un lien visuel important (Grether, 1994).

Historiquement, les premiers développements touristiques s’opèrent le long des côtes par une route parallèle et près du rivage afin de faciliter l’accès à l’eau. Par contre, cela a abouti à la construction de bâtiments entre la route et l’eau, et certaines constructions massives ont fini par bloquer complètement l'accès, les vues et la circulation du vent. Il existe certaines stratégies qui visent à mettre en valeur le tourisme en lien avec le waterfront et contrevenir à ce genre de barrière urbaine.

Les waterfronts dans les climats nordiques

 

Pour le réaménagement de secteurs riverains, plusieurs villes du nord des États-Unis et du Canada tentent d’appliquer certains principes de design afin de rendre ces endroits accessibles au public toute l’année de manière confortable. Cette approche se résume en quatre tactiques de conception :

 

1. Planification en fonction du soleil d’hiver

Ces espaces devraient être planifiés de manière à profiter le plus possible du soleil d’hiver, puisque les utilisateurs ont besoin et sont attirés par la chaleur du soleil.

 

2. Création de places publiques protégées

Dans les mois d'hiver, la présence du vent peut diminuer la température ressentie de 10 à 20 ºC. C’est pourquoi  la  protection  contre  le vent  est  un facteur primordial pour assurer le confort des gens à

© ArchDaily

l’extérieur en hiver. Par la planification des rues et la présence de barrières physiques pour contrer le vent, la ville peut offrir une protection naturellement.

 

3. Intégration de stations de confort à travers l’espace public

En général, les gens ne sont à l'aise qu’environ 60 secondes lorsqu’ils marchent à l'extérieur dans des conditions hivernales. Fournir une petite destination à chaque minute permet de segmenter le parcours et encourage les gens à utiliser le waterfront en hiver.

 

4. Conception pour la programmation d’activités hivernales

La plupart des villes possèdent des espaces extérieurs qui sont parfaits pour les loisirs d'été, mais qui sont délaissés lorsqu’arrive l’hiver. Pour que le waterfront soit utilisé à l’année longue, l’intégration d’activités hivernales devrait être considérée dans la planification initiale du secteur.  

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